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Projet de loi climat : le compte n’y est pas !
Le projet de loi intitulé « climat et résilience » a été présenté le 10 février au conseil des ministres. Il est issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, démarche innovante qui visait à associer 150 citoyens à l’élaboration de la loi pour que la France tienne ses engagements climatiques et environnementaux sur la base d’un objectif de -40 % de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, dans un esprit de justice sociale. Les engagements de l’accord de Paris conclus lors de la COP 21 et approuvés par 195 États et l’Union européenne ont été récemment revus à la hausse par le parlement européen : pour faire face aux enjeux climatiques, les émissions de gaz à effet doivent désormais être réduites de -55 %.
Le président de la République s’était engagé le 29 juin 2020 à reprendre « sans filtre » la quasi-intégralité des propositions élaborées durant près d’une année par les 150 citoyens tirés au sort. Force est de constater que ce projet de loi qui devrait affirmer l’intervention publique pour faire face aux enjeux majeurs de l’urgence et de la transition écologiques privilégie pourtant l’incitation et les encouragements à changer de pratiques. Il est très loin des 149 propositions de la convention, n’en reprenant réellement qu’un tiers à peine. Même l’étude d’impact accompagnant le projet de loi reconnaît que les mesures proposées ne permettront pas de tenir l’objectif d’une baisse d’émissions de CO2 de 55 % à l’horizon 2030, face à la situation qui continue de se dégrader.
Les instances saisies pour avis ont fait part de leurs très fortes réserves. C’est le cas du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et du Conseil économique et social(CESE) qui s’inquiètent des insuffisances du projet de loi et de la faiblesse des dispositifs prévus pour réduire les inégalités sociales : car chacun sait maintenant que « risque de fin du monde et fin de mois difficile » sont liés. Le CESE indique ainsi que « de nombreuses mesures du projet de loi, en général pertinentes, restent souvent limitées, différées ou soumises à des conditions telles que leur mise en œuvre à terme rapproché est incertaine ».
Par ce manque de volonté, d’ambition et d’engagements pour faire face à une réalité connue et largement partagée par les citoyen.ne.s, le gouvernement prend de plus la responsabilité d’aggraver la défiance à l’égard des institutions et du politique et de dégrader un peu plus la démocratie. Il faut espérer que les parlementaires sauront retrouver par leur travail le souffle qui fait défaut à ce projet de loi.
Il est grand temps et l’alerte est sérieuse et générale comme en témoigne le récent jugement du tribunal administratif de Paris qui, à la suite d’une initiative associative, condamne l’État comme « responsable de manquements dans la lutte contre le dérèglement climatique », venant ainsi redoubler le constat fait en novembre dernier par le Conseil d’État dans la procédure engagée par la commune de Grande Synthe.
C’est aussi la « société civile » qui saura mobiliser et peser pour que notre pays ne rate pas ce rendez-vous essentiel pour la bifurcation nécessaire vers un autre monde qui est à notre portée, vers ce monde commun vivable en dignité et en droit pour tous ses habitant.te.s.
C’est également la force de mobilisation et la volonté d’agir des jeunes qui nous amène à questionner les limites d’un système qui plonge plus profondément notre monde dans des évolutions incertaines et inquiétantes.
La Ligue de l’enseignement entend y prendre toute sa part en particulier pour imaginer et accompagner les changements indispensables que la situation impose, dans nos modes de vies, nos comportements, dans les politiques publiques, les modèles économiques et sociaux mais aussi dans les représentations, les savoirs et la culture dans son acception la plus large.
Car ces changements, pour qu’ils soient acceptés et porteurs de progrès social et de vie meilleure, supposent de mobiliser aussi les savoirs et la culture dans son acception la plus large, l’éducation et la formation humaine sous toutes leurs formes et tout au long de la vie. Beau travail pour un mouvement laïque d’éducation populaire.
Source https://laligue.org/projet-de-loi-climat-le-compte-ny-est-pas/